15.12.2025
Le stalking, également appelé harcèlement obsessionnel, est une menace croissante en Suisse, où cyberharcèlement et intrusions répétées bouleversent chaque année la vie de nombreuses victimes.

À la suite de la publication d’un reportage de la RTS consacré au cyberharcèlement en Suisse, il nous semble nécessaire d’aborder plus clairement la question du stalking et d’en rappeler les risques. Ce phénomène, encore souvent mal compris, touche chaque année de nombreuses personnes et peut avoir un impact profond sur leur sécurité, leur quotidien et leur bien-être.
Mais avant tout, qu’entend-on exactement par stalking et pourquoi la Suisse est-elle autant concernée que d’autres pays ?
En Suisse, le stalking désigne un ensemble de comportements répétés et non désirés qui visent à entrer en contact avec une personne contre sa volonté. Il peut s’agir d’appels insistants, de SMS, de messages sur les réseaux sociaux, d’e-mails, mais aussi de surveillances, de déplacements rapprochés ou de présence physique répétée près du domicile ou du lieu de travail.
Ces agissements, parfois étalés sur plusieurs mois ou plusieurs années, créent un climat de peur et d’hypervigilance chez la victime. Le stalking dépasse largement le simple harcèlement numérique : il s’agit d’un comportement intrusif, anxiogène et potentiellement dangereux, encore trop souvent sous-estimé en Suisse malgré son impact réel sur la sécurité et le quotidien des personnes visées.
Les situations présentées dans l’émission montrent à quel point les victimes peuvent vivre dans la peur, parfois pendant des années, face à des auteurs souvent inconnus ou difficiles à identifier, et face à un cadre juridique qui, jusqu’à présent, peinait à qualifier clairement ces actes et à en poursuivre les auteurs.
Nous vous proposons ici un article complet destiné à mieux clarifier ce phénomène. Il est important d’en présenter les différentes formes, d’en rappeler les limites juridiques actuelles et d’attirer l’attention sur les risques réels que ces comportements peuvent entraîner.

Le stalking peut être défini comme un ensemble de comportements répétés, intrusifs et ciblés : messages incessants, appels, surveillance des déplacements, création de faux comptes, collecte d’informations personnelles, menaces implicites ou présence physique près du domicile ou du lieu de travail.
Lorsqu’il se déroule en ligne, on parle de cyberharcèlement ou cyberstalking. Il peut inclure :
Bien que souvent virtuel, ce harcèlement a des conséquences très concrètes sur la vie des victimes.

Les études disponibles en Suisse confirment ce que montre le reportage de la RTS : la majorité des victimes sont des femmes, souvent jeunes, ciblées pour des raisons qui leur échappent totalement.
Conséquences :
Le harcèlement est virtuel dans sa forme… mais réel dans ses effets.
Les données du Swiss Crime Survey 2022 montrent que le stalking constitue une réalité bien implantée en Suisse, même si sa présence reste souvent sous-estimée. Sur cinq ans, une personne sur vingt déclare avoir été visée par des comportements intrusifs répétés – un chiffre particulièrement élevé dans un pays où la densité démographique et la proximité sociale devraient théoriquement limiter ce type de situation.
Le phénomène touche de manière disproportionnée les femmes, les jeunes adultes et les habitants des zones urbaines, où l’anonymat et les interactions numériques sont plus fréquents. Les formes de harcèlement sont variées : messages incessants, contacts non sollicités, surveillance physique, création de faux comptes, et même intrusions dans la sphère privée.
Un point particulièrement préoccupant tient au fait que plus de 64 % des auteurs sont connus de la victime, souvent des ex-partenaires ou des connaissances, ce qui renforce l’impact psychologique et le sentiment de menace. Malgré cela, seuls 17,5 % des cas sont signalés à la police, en raison notamment d’une difficulté à identifier les comportements comme pénalement pertinents, d’un manque de soutien institutionnel, et parfois d’une minimisation par l’entourage ou les autorités.
Le caractère répétitif est également marquant : environ 30 % des victimes subissent plus de 11 actes, ce qui montre que le stalking est rarement un incident isolé, mais plutôt un comportement persistant, parfois sur plusieurs mois ou années.
Les chiffres révèlent des variations significatives selon les régions de Suisse. La Suisse italienne affiche la prévalence la plus élevée sur cinq ans (6,2 %), suivie de la Suisse romande (5,9 %) et de la Suisse alémanique (4,6 %).
Ces écarts peuvent s’expliquer par plusieurs facteurs :
Ces variations géographiques rappellent que le stalking n’est pas un phénomène isolé à une seule région, mais une problématique touchant l’ensemble du territoire suisse, quelle que soit la langue ou le contexte socioculturel.

L’un des passages les plus frappants du reportage de la RTS concerne un cyberharceleur romand qui aurait visé près de 250 femmes sur plusieurs années. Un chiffre difficile à imaginer, et pourtant bien réel.
Ce qui surprend encore davantage, c’est que seules quelques plaintes ont été jugées recevables, faute d’un cadre légal adapté à l’époque. La sanction finalement prononcée – cinq jours-amende à 30 CHF pour injure – paraît totalement disproportionnée par rapport à l’ampleur des faits.
Ce cas soulève donc des questions essentielles :
Ce contraste met en évidence une lacune majeure : jusqu’en 2026, la Suisse ne disposait d’aucune infraction pénale spécifique pour traiter le stalking dans son ensemble, ce qui limitait fortement les possibilités d’intervention.
Jusqu’à présent, le Code pénal suisse ne contenait aucune disposition spécifique sur le harcèlement obsessionnel. Les autorités de poursuite devaient s’appuyer sur d’autres infractions, par exemple :
Dans de nombreux cas, ces dispositions se révélaient insuffisantes pour saisir la globalité du comportement : répétition, durée, accumulation de gestes intrusifs, climat de peur.
Conséquences concrètes :

Le Parlement a adopté une nouvelle disposition, l’art. 181b CP, qui réprime le harcèlement obsessionnel, et le Conseil fédéral a fixé son entrée en vigueur au 1er janvier 2026.
La nouvelle norme pénale prévoit que :
Il s’agit d’un progrès important, tant pour la protection des victimes que pour la clarté du droit. La loi envoie un signal clair : le harcèlement obsessionnel n’est plus un simple « désagrément », mais une atteinte grave à la liberté et à l’intégrité psychique.
Même avec une définition légale, des questions demeureront :
La loi fournit un cadre. Son efficacité dépendra de la formation, de la sensibilité des acteurs de terrain, et de la capacité des victimes à se manifester.
Dans certains cantons, des brigades spécialisées rencontrent ponctuellement des auteurs identifiés afin d’évaluer un éventuel risque de passage à l’acte. Cette démarche vise principalement à :
Ce type d’intervention relève de la prévention policière, et peut contribuer à éviter certaines dérives. À ce titre, il n’est pas absurde que la police cherche à comprendre les mécanismes amenant un individu à développer des comportements intrusifs ou menaçants.
Cette logique rejoint, dans une certaine mesure, les approches utilisées dans les années 1970-1980 aux États-Unis, lorsque les enquêteurs du FBI, au sein du Behavioral Science Unit, ont longuement interrogé des criminels violents pour analyser leurs comportements. Ces travaux ont permis de mieux comprendre les facteurs menant au passage à l’acte, et ont contribué à la création des premières bases de profilage criminel moderne.
Même si un suivi ponctuel peut aider les autorités à mieux évaluer un risque immédiat, il ne s’agit pas d’un accompagnement thérapeutique. Or, c’est précisément ce que semblait suggérer le reportage en décrivant une forme « d’encadrement » assuré par les forces de l’ordre.
Il est important de rappeler que :
La confusion des rôles peut surprendre : un suivi policier ne remplace en aucun cas une prise en charge thérapeutique. À long terme, seule une intervention menée par des professionnels de la santé mentale peut réduire durablement le risque de récidive et agir sur les causes profondes du comportement.
Captures d’écran, messages, dates, lieux, journaux d’appels.
Paramètres de confidentialité, réduction des informations publiques.
Famille, professionnels, services spécialisés, associations.
Un signalement à la Police crée une trace officielle indispensable.
Pour connaître les mesures de protection possibles.
Dans certains cas précis de stalking ou de harcèlement obsessionnel, il est possible de faire appel à un détective privé. En effet, un enquêteur peut documenter les faits de manière rigoureuse en établissant une chronologie claire, en collectant des éléments de preuve et en confirmant objectivement certains comportements. Ces informations peuvent ensuite soutenir efficacement une plainte ou un dossier judiciaire.
Le recours à un détective doit toutefois s’effectuer dans le strict respect du cadre légal, et venir en complément des démarches officielles auprès des autorités compétentes.
Le stalking constitue un harcèlement à la fois psychologique, numérique et parfois physique, dont les impacts sont profonds et souvent invisibles.
La reconnaissance légale du harcèlement obsessionnel dès 2026 marque une avancée importante, mais la sensibilisation, l’accueil des victimes et la coordination des institutions restent essentiels pour lutter efficacement contre ce phénomène.
Sources :